Les sons le reflets de l’âme de l’artiste

La pianiste Michèle SCHARAPAN jouait mercredi à l’Institut Français – MAYENCE


La salle de l’Institut Français où se trouve le piano n’est pas bien grande. Un lustre presque trop lumineux éclaire du plafond, et le public est assis tout près de l’instrument installé sur une petite estrade. Le concept de musique de chambre prend ici sa signification plastique. Une atmosphère qui devait tout à fait convenir à la pianiste de ce jour, Michèle SCHARAPAN.
UN PROGRAMME ROMANTIQUE.
Pour le concert de l’Institut Français, elle avait choisi un programme constitué exclusivement d’oeuvres romantiques, une sélection qui se révéla au fil du concert comme une progression dans la concentration. Chacune des oeuvres présentées était marquée du sceau des compositions tardives. L’expression et la tension ne cessaient de croître, bien que l’interprète ait commencé de façon exceptionnellemenl expressive avec les Klavierstücke op. 118 de BRAHMS. Son style était marqué par une juste perception de l’atmosphère et de la sensibilité des morceaux. Chez Brahms, elle sut saisir de façon exacte le caractère et la coloration des 6 Klavierstücke. Parfois retenue, avec un toucher réfléchi, parfois enjouée ou remplie d’émotion, Michèle SCHARAPAN semble toujours très concentrée, elle prend le temps d’exprimer les moindres détails, n’utilise pas la pédale pour dissimuler, mais pour créer l’atmosphère.
Une interprètation juste ne s’épuise pas dans la simple compréhension du contenu musical et dans le compte rendu exact de la partition, elle nécessite en plus de savoir se plonger dans la composition elle?même. Les deux aspects sont cependant indispensables à l’artiste qui veut parvenir à donner une interpréta-tion convaincante, et Michèle SCHARAPAN maîtrise les deux, car elle construit en quelque sorte à partir de la musique elle même. C’est ainsi que la sonate en si mineur de CHOPIN convainc par sa virtuosité et la richesse de ses contrastes élégants et inattendus.
L’ART DE LA TRANSITION 
L’art de la transition juste est encore plus nécessaire jour une oeuvre comme la sonate en do mineur D 958. Sans relâche se succèdent l’ombre et la lumière, s’interpénètrent le rêve mélancolique et la réalité sombre et désespérée. Le dilemne insoluble d’un artiste à l’âme déchirée se reflète ici dans la musique.
Devenue plus économe dans l’utilisation de la pédale, ouverte aux moindres nuances, Michèle SCHARAPAN exprime de façon presque visuelle ces mouvements de l’âme, en forme de balancier, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas sans jamais perdre la conscience globale de la forme. Tantôt méditation plaintive, tantôt élan impétueux : elle reste maître du jeu tout au long du final éner gique et jusqu’au dernier accord, puissant et résigné.

Martin HÖCHEMER
MAINZER RHEIN ZEITUNG